lundi 27 octobre 2008

La tyrannie de l’émotion : la fin de la démocratie - CQFD

Cet article de réflexion rebondit sur la sortie de l’essai « La tyrannie de l’émotion » du politicien Noël Mamère et de l’historien Patrick Farbiaz. J’ai eu la connaissance de cet essai en regardant l’émission de Ruquier ce samedi soir.
Je trouve que l’essai ouvre un débat intéressant et complètement d’actualité. En effet, il nous interroge sur la dérive de la politique et de la démocratie face à l’émotion que l’on nous impose.

Tout d’abord, nous pouvons clairement dire que le pouvoir instrumentalise l’émotion dans le but d’arriver à ses fins.
Mais pour mieux comprendre ce qu’est la tyrannie de l’émotion, voici un scénario fictif qui illustre ceci.


Un scénario aussi fictif qu’effrayant…


  • Jour 1, au JT de 20 h de TF1 (au hasard) : « Oh my Gad !! Encore un pédophile qui a récidivé ! Le petit Benjamin aimait beaucoup aller à la messe le dimanche. Mais sur le chemin de l’église, il a rencontré François Pignon qui sortait juste de prison après 10 ans de réclusion pour pédophilie. Le vilain a kidnappé le petit garçon avec son paquet de fraises tagadada. Le Petit Benjamin a malheureusement été violé… ».
  • Jour 2, au Café du Commerce, Marcel discutant avec Jean-Pierre : « On devrait les pendre par les biiiiiiip ces pédophiles ».
  • Jour 3, allocution présidentielle télévisée : « Moi, Nicolas Sarkozy, je veux une loi qui instaure la rétention de sûreté afin d’éviter que ce genre de récidive atroce ne se reproduise »
  • Jour 4, au Café du Commerce : « T’as vu hier à la télé, Sarkozy va enfin remettre ces criminels en prison ! »


Outre la monstruosité de la pédophilie, ce qui nous importe ici, c’est l’utilisation qui a été faite de l’émotion provoquée par le crime sur le petit Benjamin dans le but d’instaurer une loi qui se révèle liberticide et dangereuse. Pour rappel, la loi sur la rétention de sûreté permet, après l’exécution de la peine de prison, de prolonger - sans limitation de durée et sans infraction - l’enfermement des personnes considérées comme d’une «particulière dangerosité».
Aujourd’hui, l’émotion est au centre de tout ! Elle est à la source et à l’aboutissement du débat politique. En effet, osez dire que vous êtes contre la rétention de sûreté, on vous rétorquera que vous préférez voir les criminels récidiver. Bien sûr, cette réponse est absurde : en aucun cas, dénoncer la loi sur la rétention de sûreté c’est cautionner la pédophilie.


Un autre exemple


Allez, juste un autre pour la route : le tsunami a provoqué une immense vague de dons. Il faut être honnête : nous avons été émus car, là bas, il y avait des « blancs », des Européens, des Français… Le drame nous a touché, donc on a donné : dictature de l’émotion. Peu de temps après le tsunami, il y a eu un tremblement de terre au Pakistan. Mais là, on n’en a eu rien à secouer…
Cela a été la même chose pour les militaires français tombés en embuscade où on a semblé redécouvrir que les militaires pouvaient mourir « dans la pratique de leur métier ».


Droite / Gauche, même combat ?


Pour la droite de Sarkozy, il y a eu Guy Môquet, les chiens dangereux, Outreau, la rétention de sûreté… 
Pour la gauche, souvenez-vous, lors des dernières élections présidentielles il y a presque 2 ans. On se souvient tous de Sainte-Ségolène allant réconforter un handicapé en plein débat politique sur TF1. Autant sa démarche pouvait être sincère (après tout, je n’en sais rien), autant nous assistons à « l’émotisation » de la politique.
De plus, je tiens à souligner que lorsque la gauche qui instrumentalise l’émotion, c’est bien vu… à tort ! Régulièrement, nous avons droit à notre lot d’émotion sur les mal-logés, les pauvres, les expulsions d’immigrés… D’ailleurs, lisez l’article de Sylvain juste dessous. Il illustre selon moi l’instrumentalisation de l’émotion dans le but de critiquer la politique d’Hortefeux et Sarkozy. 
Bref, pour généraliser à outrance, la droite et la gauche, même combat… Tout dépend ensuite les fins souhaitées. La gauche semble plus axer l’émotion sur le social et l’injustice alors que la droite s’intéresse davantage à la sécurité.

Pour synthétiser


Ainsi, le fait divers vient à l’encontre de la démocratie. Dès lors, on parle d’émocratie : le pouvoir à l’émotion. En voici le processus :
Un fait divers provoque une émotion populaire. Cette dernière entraîne immédiatement la mise en place de lois de circonstance dangereuses.
Cette situation n’est pas uniquement valable pour la France. Les plus grandes démocraties occidentales ont aussi cette dérive. Souvenez-vous de ce qu’ont faits les Etats-Unis après le drame du 11 septembre 2001 : Afghanistan, Irak et Patriot Act…
Et surtout, comme l’écrit Mamère dans son quatrième de couverture : 
« la tyrannie de l’émotion est aujourd’hui un principe de gouvernance ». Cela évite au pouvoir exécutif d’aborder des problèmes de fond. De plus, l’émotion est un outil formidable pour manipuler les foules.

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